Constitutionnalité de l’intangibilité du bilan d’ouverture (suite)

Publié le par procedures-fiscales.over-blog.com

Par Elise Pottier

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’Etat le 6 octobre 2010 d’une question prioritaire de constitutionnalité s’agissant du principe d’intangibilité du bilan d’ouverture. Il a rendu sa décision le 10 décembre 2010 (Décision n°2010-78 QPC), dans laquelle il prononce l’inconstitutionnalité du paragraphe IV de l’article 43 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificatives pour 2004.

Pour mémoire, cet article a rétabli le principe d’intangibilité du bilan d’ouverture après qu’il eut été abandonné par une jurisprudence du Conseil d’Etat du 7 juillet 2004 (n° 230169, SARL Ghesquière Equipement).

            La société requérante a saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité en invoquant l’atteinte par cette disposition à des principes ayant valeur constitutionnelle tels que l’égalité devant l’impôt, le principe de non-rétroactivité de la loi et de la sécurité juridique ainsi que la violation des droits de la défense. Elle soulevait le fait qu’elle ne pouvait se prévaloir de la jurisprudence Ghesquière. En effet, le législateur en réservait l’utilisation à l’Etat exclusivement :il a permis rétroactivement à l’administration de procéder à la correction des bilans d’ouverture du premier exercice non prescrit en réintégrant dans le compte de résultat de l’exercice en cours les actifs non comptabilisés ou les passifs déduits à tort. Cela prive dans le même temps le contribuable d’invoquer la faculté de corriger son bilan d’ouverture autorisée  par la jurisprudence Ghesquière.

Le Conseil constitutionnel a repris dans cette décision un raisonnement déjà utilisé lorsqu’il a eu à se prononcer sur la constitutionnalité de la loi validant de manière rétroactive la procédure de visites et saisies domiciliaires (n°2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010). Il a alors recherché si :

-         la loi de validation en cause présentait un souci d’intérêt général suffisant ;

-         aucun principe ou garantie à valeur constitutionnelle n’était méconnu du fait de cette loi ;

-         la portée de la validation était strictement définie.

 

La discussion s’est alors portée sur ces deux premiers points.

 

Le Conseil constitutionnel a constaté que la rédaction de la disposition en cause montrait que le législateur avait réservé à l’Etat le bénéfice de la jurisprudence Ghesquièreet en avait exclu le contribuable. Cela revient à priver le contribuable d’une jurisprudence qui lui était favorable. De surcroît, cet article avait un effet rétroactif : en cours d’instance, le contribuable voyait donc la législation changer en sa défaveur.

Le Conseil constitutionnel semble avoir perçu ce problème de sécurité juridique puisqu’il s’est servi de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour déclarer cette disposition inconstitutionnelle. Il a jugé que cette disposition de la loi de finances de 2004 portait atteinte à l’équilibre des droits des parties, qui est une composante du droit au respect des droits de la défense, principe fondamental reconnu par les lois de la république.

            Quelles seront les conséquences de cette décision sur le principe d’intangibilité du bilan d’ouverture ?

            Ce principe est le plus souvent utilisé par l’administration fiscale pour rehausser le bénéfice imposable des contribuables. La décision du Conseil constitutionnel leur sera donc favorable. Ayant été jugée inconstitutionnelle, la disposition législative qui le prévoit ne pourra plus trouver application.

Le mécanisme de la question prioritaire de constitutionalité permet au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la constitutionnalité d’une loi et de l’abroger de manière générale si besoin est. Cependant, aucun grief ne concerne le principe d’intangibilité du bilan d’ouverture en lui-même, l’essentiel tient dans la rédaction de la loi et l’effet rétroactif qui lui était conféré. On ne peut dès lors pas affirmer que ce principe sera définitivement abandonné.

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