La constitutionnalité de l’impôt de solidarité sur la fortune réaffirmée par le Conseil Constitutionnel

Publié le par procedures-fiscales.over-blog.com

 

 

Par Clémence Carriére

 

 

 

Jean Arthuis, président de la commission des finances au Sénat, propose la suppression de l’SF, ainsi que celle du bouclier fiscal. Ses arguments sont les suivants : «Je pense qu’il faut supprimer les deux dispositifs. Le bouclier est une mauvaise réponse à un mauvais impôt, l’ISF. Ce bouclier a trop de défauts. Il est calculé sur le revenu fiscal, et non sur le revenu réel. Ses bénéficiaires échappent à toute éventuelle hausse d’impôts».

 

C’est dans un tel contexte que le Conseil Constitutionnel s’est trouvé confronté à une question tenant à l’inconstitutionnalité de l’ISF découlant d’une affaire où un « couple a tenté de soulever la différence de traitement existant entre des contribuables ne vivant pas en concubinage notoire d’une part et ceux mariés ou concubins notoires ».

 

Les articles 61.1 et 62 de la Constitution (institués par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008) ouvrent un nouveau recours au contribuable par le biais de la question prioritaire de constitutionnalité. En effet, par ce biais, l’exception d’inconstitutionnalité d’une loi peut être invoquée à l’occasion de tout contentieux introduit devant le juge judiciaire ou administratif sous réserve d’exciper d’une atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

 

C’est par ce mécanisme que le Conseil d’Etat renvoie la question de l’inconstitutionnalité de l’impôt de solidarité sur la fortune par sa décision de renvoi du 9 juillet 2010 (n°339081).

 

Trois griefs sont portés devant les juges du Conseil constitutionnel portant sur la violation du principe constitutionnel d’égalité devant la loi et du principe constitutionnel d’imposition en fonction des capacités contributives de chaque citoyen.

 

I- L’ISF et le principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt

 

Le premier grief exposé par les requérants concerne la violation du principe général d’égalité devant l’impôt qui est consacré dans l’article premier de la Constitution. En effet,

 

Selon le plaidoyer, « les couples vivant dans le cadre d’un concubinage non notoire étant dans une situation semblable à celle des concubins notoires, des couples mariés et des partenaires vivant sous le même toit – à savoir celle d’une communauté de vie – il s’ensuit que ces trois catégories de contribuables devraient, sauf à méconnaître le principe d’égalité devant l’impôt tel que défini par le juge constitutionnel, être soumises au même régime d’imposition commune ».

 

Le Conseil Constitutionnel s’est borné à renvoyer les requérants vers sa décision du 30 décembre 1981 relative à l’ancien IGF, déclarant cet impôt conforme à la Constitution concernant une disposition similaire.

 

En effet, le Conseil Constitutionnel ne peut être saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qu’il a déjà été déclaré conforme à la Constitution sauf changement de circonstances. Etant donné qu’aucun changement de circonstances n’est intervenu depuis cette décision, rien ne justifiait un nouvel examen.

 

 

Le principe d’égalité devant l’impôt est aussi visé au motif de l’absence de mise en œuvre d’un système de quotient familial, en arguant qu’ « en matière d’ISF – impôt éminemment progressif – force est de constater que l’absence de mise en œuvre d’un système de quotient familial (ou de tout autre dispositif équivalent) conduit à imposer de manière identique des foyers dont la composition du patrimoine est identique, mais dont les facultés contributives peuvent, eu égard notamment au nombre de personnes à charge, être significativement différentes ».

 

Selon le Conseil constitutionnel, les capacités contributives des contribuables sont prises en compte selon d’autres modalités, notamment par la prise en compte d’un barème progressif et l’application d’abattements tel celui prévu pour la résidence principale.

 

 

 

 

II-  L’ISF et le principe constitutionnel d’imposition en fonction des capacités contributives de chaque citoyen

 

Le second grief argué par les contribuables, ainsi que leurs avocats, concernait l’inclusion dans l’assiette de l’ISF des biens non productifs de revenus, qu’ils estiment comme une violation du principe constitutionnel d’imposition en fonction des capacités contributives de chaque citoyen.

 

Dans une de ses précédentes décisions, en date du 29 décembre 1998 (n°98-405), le Conseil constitutionnel avait pris position sur la portée de l’ISF puisqu’il en découlait que « l’ISF a pour objet de frapper la capacité contributive que confère la détention d’un ensemble de biens et qui résulte des revenus en espèces ou en nature procurés par ces biens et qu’en raison de son taux et de son caractère annuel, il est normalement appelé à être acquitté sur les revenus des biens imposables ». Une telle décision laissait la possibilité pour les auteurs, et les contribuables, quant à l’espérance d’une imposition exclusive sur des biens permettant l’acquisition de revenus.

 

Cependant, la décision du 29 septembre 2010, Epoux Mathieu, limite la portée de cette décision au cas particulier de l’imposition de l’usufruitier et non sur le caractère général de l’ISF.  En effet, le Conseil constitutionnel estime que « le législateur a entendu frapper la capacité contributive que confère la détention d’un ensemble de biens et de droits ; que la prise en compte de cette capacité contributive n’implique pas que seuls les biens productifs de revenus entrent dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune ». Par conséquent, la base d’imposition incluant l’ensemble des biens du foyer fiscal, dont les biens non productifs de revenus, ne ressort pas comme contraire à la Constitution.

 

Si le Conseil Constitutionnel avait pris une décision contraire, c’est le mécanisme de l’ISF lui-même qui se serait effondré, puisque l’ISF revient à imposer exclusivement les biens improductifs de revenus et non ceux permettant de bénéficier de revenus qui sont, quant à eux, exonérés en tant que biens professionnels.

 

En conclusion, le Conseil constitutionnel a, par cette décision réaffirmé la constitutionnalité de l’impôt de solidarité sur la fortune. Décision venant régler certaines questions à la veille du vote de la Loi de finances pour 2011 comme l’évoque l’avocat Nicolas Marguerat lorsqu’il s’exprime sur le site Village de la justice : “Le jour de la présentation du projet de loi de finances pour l’année 2011 dans lequel il s’attaque à certaines « niches fiscales », le Conseil Constitutionnel lui retire une épine du pied en déclarant conforme à la Constitution l’Impôt de Solidarité sur la Fortune“.

 

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